Atsha

Atsha, c'était le nom de mon pote chat.

Lui, il a eu du bol, la noyade lui a filé sous le nez.

Il avait un mois, pas plus haut qu'un coquettier, les yeux encore bleus d'une naissance encore fraiche.

Quand le Blanc s'est fait écraser dans le village par un connard qui roulait trop vite, un ami fermier du grand-père a gardé un chaton.

Des chats partout. Et le maître des lieux, qui doit frôler les 100 ans, noie les chatons quand il les trouve. il ne sait pas. il ne sait pas que ses chats, il peut les faire castrer et stériliser. Il ne sait pas que même la SPA peut lui donner un coup de main pour payer. D'ailleurs même si il savait, il s'ent fout. Il a toujours fait comme ça, et ne voit pas pourquoi ça changerait. La rivière passe à côté, c'est pas loin, c'est pas cher.

Toujours est-il que quand elle a été voir ses grands-parents, elle a passé à la ferme. Que le fermier lui a sorti de derrière la chaudière un espèce de bonbon pour chien. Que évidemment, elle a craqué, allez savoir pourquoi. Puis quand elle l'a reposé et qu'elle a dit qu'elle repasserait dans deux mois pour le prendre, le fermier n'a pas voulu. Il a dit que dans deux mois, ça ferait longtemps qu'il serait noyé, parce que tu vois, les chats, ça grandit vite, que ça devient sauvage, et que après y'en a encore plus partout.


Alors elle l'a embarqué, la pomme. Elle s'est fait avoir. Et quand il lui a dit qu'il venait d'en retrouver dans le garage et qu'elle pouvait en choisir un autre, elle a pas voulu, même pas aller les voir.
Vous imaginez ? Je vivrais encore avec 15 chats, si ça se trouve. Faut pas pousser, oh.

Et ce petit truc, tout roux, tout bête, tout petit, tout con, s'est retrouvé sur la toile cirée de la grand-mêre. A miauler à sa mère. Forcément, à cet âge là...

Il partait au travail avec la grande, dans une caisse, il mangeait souvent, puis il a grandi, il a grossi, il a perdu ses yeux bleus qui se sont remis bien droits.

C'était un roux. Un bon gros roux de ferme. Genre de ceux qui ont du caractère. Ils n'ont pas un sens de l'humour canin très poussé, j'ai vite appris. Il n'ont pas le sens de l'humour du tout d'ailleurs.

Ah mes aïeux, quel caractère...  Même castré, il ne s'est pas calmé. Il avait un sacré territoire lui, et gare aux intrus, on les retrouvait entre ses griffes sous la forme de tas de poils.

Le véto n'a jamais pu lui faire tous ses vaccins d'un coup. Une furie.

Mais faut pas croire, on s'est bien amusé aussi avec lui. Je dis ont, parce que à cette époque, j'étais encore avec mon ami le dogue. Dans les bons moments, il était un peu plus détendu et on pouvait jouer.

Oui, parce que j'ai vite appris que celui-là, il devait rendrer dans mon cercle social. Vous pensez bien, c'est le premier que j'ai vu en revenant de la SPA, j'ai assez mal commencé mon entrée en matière. Après quelques temps, on se fait une raison, voyez-vous. Et une raison en appelant une autre, on devient copain avec un chat, sans comprendre comment.

Il n'était pas souvent là. Il vaquait à ses occupations de chat. Va savoir lesquels, d'ailleurs. Et un jour, il est pas revenu manger. Bizarre. Les jours suivants non plus. Ca a duré longtemps, et plus ça durait, plus je voyais ma maîtresse changer, elle a collé des trucs partout dehors.

Pis un jour, y'a la voisine qui est venue, pour dire qu'elle avait trouvé le chat. Mais il était plus vigousse du tout, voir carrément mort. Empoisonné. On sait pas comment ni par quoi.

Ca été la fin du règne du Roux. Le calme est retombé sur le quartier, les autres chats ont recommencé à sortir. Mais il m'a manqué, cet enfoiré.